COMMENT EST NÉ LE CLUB ? 

LES PRÉMICES

A compter des années 1975, il souffle un vent de renouveau artistique et culturel sur la métropole. En quelques années, on voit s'installer des équipes artistiques régionales comme le théâtre de la Salamandre à Tourcoing ou Jean Claude Casadesus à Lille, et dans le même temps, le développement des festivals de Lille, et de l'Automne culturel de Tourcoing. Toutes ces structures contribuent alors largement à l'essor d'une offre culturelle qualifiée et diversifiée.         

On note également un véritable intérêt pour l'art lyrique en France : quelques maisons d'opéra en province se distinguent par la qualité de leurs saisons et Paris offre une programmation brillante et innovante sous la direction de Rolf Liebermann. Les Chorégies d'Orange puis le Festival d'Aix-en-Provence, avec le début des retransmissions télévisuelles nationales, renforcent l'intérêt du public pour les productions lyriques. 

Dans la région Nord – Pas-de-Calais, il faut attendre l'année 1978 pour que la question du lyrique soit posée en termes artistiques et qualitatifs au niveau de la métropole. Le projet de la création de l'Opéra du Nord est dans l'air. Il se concrétise à la rentrée culturelle 1979/1980.

C'est dans ce contexte porteur que Michel Raman, professeur au lycée Gambetta à Tourcoing, prend, en 1977, l'initiative de mener auprès des élèves volontaires et au sein de l'établissement une action de sensibilisation à leur environnement culturel et artistique et tout particulièrement à l'art lyrique. Ces activités sont pratiquées dans le cadre du foyer socio-éducatif du lycée : écoute discographique de référence et découverte des œuvres in live. Les sorties accompagnées du dimanche « en matinée » facilitent les échanges avec les artistes et la découverte des métiers de la scène. C'est ainsi, par exemple, que les jeunes ont l'occasion de discuter avec Maurice Fleuret (directeur du Festival de Lille) lors de la représentation du Barbier de Séville (1978), d'assister à celle de Lulu à l'Opéra de Paris (février1979) ; dans la mythique mise en scène de Patrice Chéreau, et plus modestement d'entendre à Tourcoing, des artistes comme Ghislaine Raphanel à ses débuts.

Comme une expérience similaire est vécue dans un lycée lillois, l'idée de constituer un club au niveau des trois villes Lille – Roubaix - Tourcoing se traduit par la mise en place d'un réseau de correspondants dans les établissements scolaires du second degré. C'est donc tout naturellement, et dans le prolongement de cette première initiative lycéenne, que, le 4 mai 1979, la création du « Club lyrique de jeunes de la métropole » est officialisée avec le soutien de la ville de Tourcoing à quelques mois de la mise en place de l'Opéra du Nord. Le siège social de l'association est acté au centre culturel de Tourcoing.

L'esprit et le but poursuivis par l'association, à savoir, développer le goût du lyrique au moyen de sorties et d'animations autour de spectacles, suivant en cela la programmation culturelle de la métropole mais également de Bruxelles et de Paris, conduit rapidement les parents d'élèves à accompagner les sorties. On garde en mémoire le premier déplacement, le soir même de la création du club pour la représentation de Carmen au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, et d'un autre très remarqué en mars 1980 au Forest de Bruxelles. 380 jeunes ont ce jour-là assisté à la création mondiale du ballet l'Amour et la Peine de John Neumeier, musique de Gustave Mahler.

Cette dynamique lancée dans le sillon du projet Opéra du Nord, relayée par les enseignants, les parents et soutenue par la presse, aiguise la curiosité et favorise l'élargissement du public sur la métropole. De fait, l'engouement pour la découverte d'œuvres lyriques et chorégraphiques se traduit rapidement par une forte adhésion aux propositions de l'association dès la première saison. On compte alors jusqu'à 800 adhérents. La diffusion, la promotion des activités et l'encadrement des sorties groupées sont assurées par un petit groupe d'adhérents : les élèves et leur professeur du lycée Sévigné de Tourcoing pour la dactylographie du bulletin (pas d'Internet à l'époque !), une enseignante retraitée pour rédiger « à la main » les adresses sur les enveloppes, les membres du bureau se partageant le secrétariat, la rédaction du bulletin, sa mise sous plis et son envoi. À noter que la presse se fait volontiers l’écho des activités du club

Concomitamment, le cinéma vient à point nommé réveiller l'intérêt du public pour l'art lyrique avec la sortie fortement médiatisée du film Don Giovanni de Losey et la large diffusion de la Flûte enchantée de Bergman. De la scène au cinéma, l'art lyrique s'installe durablement dans le paysage culturel du public. C'est ainsi qu'une nouvelle association voit le jour le 17 juillet 1979, Michel Raman en étant le délégué général. Elle a pour objet l'organisation d'une manifestation annuelle pour la promotion et la diffusion du film lyrique ainsi que la recherche musicale liée au cinéma. Les premières semaines du film lyrique organisées dans le cadre du festival d'Automne de Tourcoing recueillent un vif intérêt. On compte cette année-là 1760 entrées.

Cette manifestation recevait l'aide de la ville de Tourcoing et les projections se faisaient sous la forme d'un festival au cinéma A.B.C, aux Arcades, avec chaque saison, une thématique spécifique : Le Fantastique lyrique, Femmes, mythes, stars… Ainsi dans un souci éclectique, on a pu y voir aussi bien Maria Callas que Marilyn Monroe,

            A partir de 1985, la programmation a été intégrée à celle de l'Atelier lyrique de Tourcoing, et diversifiée, puisque des projections avaient également lieu au Lycée Gambetta. À une époque où seuls quelques grands titres : Carmen, Don Giovanni…, avaient droit de cité au cinéma, cette association a en quelque sorte anticipé l'évolution contemporaine qui multiplie les enregistrements sur DVD ou les retransmissions, passionnantes d'ailleurs, par satellite des grands événements lyriques.

Enfin, l'art lyrique resté longtemps « parent pauvre » des politiques culturelles de notre région se voit doté d'une nouvelle association dénommée Opéra du Nord.  Le coup d'envoi est donné le 23 novembre à Tourcoing et le 7 décembre 1979 à Lille. Il survivra sous la forme associative de syndicat intercommunal jusqu'en 1985 sous la direction générale d'Elie Delfosse, Jean Claude Malgoire à l'Atelier lyrique. À noter que le Ballet du Nord ne verra le jour qu'en 1983 sous la direction d'Alfonso Cata.

Le rayonnement rÉgional du club conduit l'assemblÉe gÉnÉrale de mai 1980 À adopter sa nouvelle dÉnomination : Club Lyrique RÉgional Nord - Pas-de-Calais.

Monique Raman avec la collaboration de Didier Soinard